Qui n’a pas entendu parler de Monsanto, véritable Voldemort de l’industrie agro alimentaire ? Mais saviez-vous qu’il existe dix fois pire ?

Lundi 17 février, par notre action d’occupation à Genève, nous avons levé le voile sur une entreprise qui ne fait pas parler d’elle : CARGILL. Retenez bien ce nom : CARGILL. il s’agit de la plus grosse société privée (familiale) américaine en terme de recettes, qui figure dans le top dix mondial de l’ agro alimentaire. Mais chez nous, c’est aussi la quatrième plus grosse entreprise de Suisse en terme de chiffre d’affaires. Leurs recettes s’élèvent en 2018 à 114,7 milliards de dollars. Pour comparaison, celles de Monsanto-Bayer en 2018 sont de 39,5 milliards de dollars et celles de l’état de Vaud… d’environ 9,5 millions de francs.

Leur succursale genevoise est un pôle mondial du négoce de céréales (blé, maïs, orge et sorgho) et d’oléagineux (soja, huile de palme) ; mais elle s’occupe aussi du fret maritime et de la logistique (transport maritime, ferroviaire, etc) ; des activités financières et de la gestion des risques de marché. CARGILL est présent dans 70 pays, notamment en Indonésie pour l’huile de palme, en Colombie pour la culture du soja (ils détiennent 50 000 hectares de terre) et au Ghana et en Cote d’ivoire pour le cacao. CARGILL participe à un système agroalimentaire mortifère en convertissant des zones entières de la planète en monocultures d’échelle industrielle, dépendantes de la pétrochimie et de l’agrochimie, dont on atteint aujourd’hui les limites. Ils ont une emprise gigantesque sur toute la chaine alimentaire puisqu’ils produisent les matières premières, les exportent, les raffinent et les transforment en produits finis. Ils produisent aussi de la viande (boeuf, volaille, porcs) et des « ingrédients alimentaire », formule inquiétante qu’on trouve sur leur site et hélas aussi dans nos assiettes. CARGILL fournit des services en nutrition animale, une prestation de conseil et de gestion des risques concernant l’énergie, les métaux, les matières premières et le fret maritime.

Cette entreprise est un exemple de deux tendances générales du marché : l’extrême concentration et l’hyperspécialisation. Par exemple, la part mondiale de Cargill dans la transformation du cacao est de 19% ! En étant omniprésent sur toute la chaine et si diversifiés dans leurs activités ils ont donc un pouvoir considérable sur les multiples domaines de l’agro alimentaire. La puissance de ces entreprises pose un léger problème de justice : la concentration du pouvoir (par fusion, acquisition, accords de coopération et autres) dans les mains de moins en moins d’entreprises de plus en plus grosses ; doublée d’une expansion de leurs activités à toutes les étapes de la chaine agricole. Cela leur octroie une puissance irrésistible tant en matière de négociation, que de quantité et de condition de production, et surtout la possibilité déterminer le prix de cette production ! Ce mode de fonctionnement provoque des perturbations dans les pays concernés, mettant des populations entières à la merci de ces avides géants.

On aurait tendance à penser que ces gros bonnets restent toujours dans les bonnes légales ? Pas dut tout !! Beaucoup de leurs agissements ne sont pas seulement répréhensibles mais illégaux. Mais c’est toujours avec un coût environnemental et social INACCEPTABLE que cette société opère, majoritairement dans la plus grande impunité…
C’est notamment en matière de déforestation et d’accaparement de terres que Cargill s’illustre.
On trouve dans Publiceye n°18 datant de juin 2019 : « L’ONG britannique Oxfam a prouvé par exemple qu’entre 2010 et 2012, Cargill était parvenu à prendre le contrôle de surfaces immenses en Colombie malgré des limites imposées par la loi sur la quantité de terres appartenant à l’État et pouvant faire l’objet d’une acquisition par un acteur unique. Pour ce faire, la multinationale a créé 36 différentes sociétés écrans. À terme, Cargill est parvenu à contrôler plus de 50’000 hectares de terres, soit 30 fois la limite légale. » L’ONG américaine Mighty Earth a traqué l’empreinte de Cargill autour de la frontière sud américaine. Leur rapport de 2017 “The Ultimate Mystery Meat” enquêtait sur 28 lieux différents à travers 3’000 km d’exploitation brésilienne et bolivienne de soja. Ce rapport montre que Cargill est un des deux des plus grands clients de la déforestation d’échelle industrielle. En plus de leur rôle dans la création d’un marché pour la culture du soja basé sur la déforestation, ils ont trouvé que Cargill finance des opérations de défrichage profondément dans la forêt vierge, construisant des silos et des routes, pour ensuite acheter et transporter le grain aux US, en Chine et en Europe pour nourrir des poulets, cochons et vaches élevés dans des conditions déplorables. Ils soulignent aussi « qu’au Brésil, les plantations de soja liées à Cargill ont envahi les terres des peuples autochtones tributaires des forêts. Ils ont été forcés de quitter leurs terres natives et ont connu une forte augmentation de cancers, de malformations congénitales, de fausses couches et d’autres maladies liées aux pesticides et aux herbicides souvent pulvérisés directement par avion et utilisés pour la culture du soja. » L’hypocrisie de cette entreprise n’a pas de limite puisqu’en 2014, comme le souligne encore Mighty Earth en 2019, « Cargill s’est engagée à mettre fin à la déforestation dans sa chaîne d’approvisionnement pour tous ses produits d’ici 2020. Cependant, Cargill continue d’encourager la déforestation et reste l’un des pires acteurs sur la scène mondiale et est maintenant prêt à embrasser l’aube de l’ère-Bolsonaro avec la libre exploitation des forêts du Brésil. »

Plusieurs autres scandales sont venus se rajouter au palmarès de Cargill au fil du temps, notamment en 2015 : une fuite dans une usine de Cargill (Beardstone, Illinois) déverse plus de 100 000 litres de lisier de porcs dans lia nature. Des biologistes mandatés par l’Etat comptent alors 10 jours plus tard 64’566 poissons morts dans la baie de Muscooten et dans les voies maritimes adjacentes. Le même genre de désastre pour la vie sauvage et la biodiversité était déjà arrivé en 2005 (Tampa Bay) et 2006 (san Francisco Bay, sur plusieurs années, Cargill a payé 228’000 dollars d’amende) avec le déversement de déchets toxiques. En 2011, le ministère du travail (des USA) accuse Cargill de discrimination raciale et de discrimination fondée sur le sexe à son usine de conditionnement de viande en Arkansas, au Colorado, et en Illinois. Cargill accepte de payer 2.2 millions de dollars. Et encore de nombreux autres méfaits comme conspirer pour fixer les prix du sel pour les routes (2015) et du sirop de maïs (2004), mais aussi des accusations et des procès pour travail d’enfants en Afrique (cote d’ivoire et Ghana) et en Asie, pour esclavage, effondrement des populations d’orang-outans et d’éléphants, pour évasion fiscale (Argentine, 2011). Ou encore ce que rapporte Mighty Earth : « En novembre 2017, Cargill a été condamnée à une amende de 10 millions de dollars par l’Organe de contrôle et de régulation des marchés financiers américains pour les années de fausses déclarations délibérée en matière de ses valeurs commerciales—jusqu’à 90 pour cent—afin de frauder le gouvernement et ses partenaires commerciaux. Qu’à cela ne tienne : en octobre 2018, David Dines, le directeur de Cargill et responsable de ces violations, a été promu au poste de directeur financier. »

Sources et approfondissement :

Négoce Agricole, Le Magazine No18, PublicEye

Agricultural Commodity Traders in Switzerland Report, PublicEye

La suisse et les geants du négoce agricole, PublicEye

Soft commodity trading, Most severe issues related to agricultural production and trade, Human and labour rights violations, PublicEye

Cargill, The Worst Company in the World, Mighty Earth*, July 2019, pdf

Cargill Rapport, Mighty Earth

Cargill, The Worst Company in the World, Mighty Earth*

Cargill timeline, Mighty Earth

Cargill : company overview, Mighty Earth