Nouvelle loi CO2: la ministre suisse de l’environnement a fourni à ses offices des spécifications pour l’élaboration d’une nouvelle loi qui la ferait rater les objectifs de l’Accord de Paris, comme le révèle un document interne ayant fait l’objet d’une fuite revendiquée au nom de la rébellion contre l’extinction et de Scientist Rebellion.

La Suisse s’est fixé deux objectifs climatiques : 

  • En 2030, les émissions annuelles de gaz à effet de serre doivent être 50 % de ce qu’elles étaient en 1990.
  • Sur la période 2021-2030, les émissions annuelles doivent être en moyenne 35 % de ce qu’elles étaient en 1990.

Après que la nouvelle loi sur la réduction des émissions ait été rejetée par référendum en juin 2021, et que l’ancienne loi ait par conséquent été prolongée jusqu’en 2025, la ministre suisse de l’environnement Simonetta Sommaruga a été chargée de présenter une nouvelle proposition de loi qui couvrirait les réductions d’émissions pour la période 2025-2030.

La ministre a fixé des spécifications à ses offices scientifiques, pour guider l’élaboration de la proposition. Un document ayant fait l’objet d’une fuite révèle que ces directives feraient que la loi manquerait le premier objectif de quelque 3,1 millions de tonnes de CO2, et le second de 23,6 millions de tonnes. Pour donner une échelle, ce dernier écart représente l’empreinte carbone annuelle de plus de 5,3 millions de citoyens suisses aujourd’hui.

Le personnel scientifique travaillant pour Mme. Sommaruga l’a informée de cet écart dans un document interne, qui a fait l’objet d’une fuite revendiquée au nom de la rébellion contre l’extinction, et de la Scientist Rebellion. Cette affaire montre l’incapacité de la ministre à imaginer des solutions proportionnées à la gravité et à l’urgence totale de la crise climatique.

Je suis consterné/e et dans une colère noire de voir une conseillère fédérale donner des spécifications pour une loi qui manquera si clairement les objectifs de l’Accord de Paris. Dans le document fuité, ses collaborateurs lui disent que sa proposition manquera sa cible avec un écart de millions de tonnes de CO2, et ne respectera pas l’accord international auquel la Suisse s’est engagée”, déclare une personne proche de la fuite.

Ce document aurait selon toute vraisemblance fini par être rendu public. Cependant, le timing est critique, étant donné que Mme Sommaruga participe actuellement à la COP26, où la Suisse tente de faire bonne figure. De telles informations ne peuvent être cachées au public vue la l’urgence de la situation, et c’est pourquoi Scientist Rebellion et Extinction Rebellion Switzerland ont décidé de publier la fuite.

Les politiciens doivent au peuple de se tenir informés sur les crises climatiques et écologiques

La plupart de nos politiciens ne comprennent pas que les crises climatique et écologique se sont aggravées au point de constituer une menace existentielle et une urgence totale, et ne cherchent d’ailleurs pas à s’informer correctement sur le sujet.

Pour protester contre cela, Guillermo Fernandez, un Suisse père de trois enfants, a entamé une grève de la faim devant le Palais fédéral le 1er novembre

Sa revendication est simple : il ne s’alimentera pas tant que Mme Sommaruga n’aura pas convoqué l’Assemblée fédérale, afin que ses membres entendent officiellement les faits relatifs aux crises climatique et écologique, tels que rapportés par les offices fédéraux et les organismes internationaux reconnus par la Suisse (IPBES, GIEC, OMM). Guillermo a annoncé être prêt à aller jusqu’à la mort si le Ministre n’entreprend pas cette démarche évidente qui aurait dû être accomplie il y a longtemps de celà. 

Le document fuité ici démontre une fois de plus l’importance que les dirigeants politiques basent leurs décisions sur ce qui est scientifiquement démontré, et non ce qui est politiquement opportun.

Des scientifiques fuitent des rapports pour protester contre la malhonnêteté des gouvernements

En août de cette année, des scientifiques participant à la Scientist Rebellion ont divulgué la dernière version du prochain rapport du GIEC, afin de s’assurer que les termes  atteindrait le public et qu’il ne pourrait pas être supprimé de la version finale en raison de pressions politiques directes ou indirectes.

Il y a une semaine à peine, les 32 000 commentaires formulés par les nations sur ce même rapport ont été divulgués par Unearthed. Le public y a découvert que la Suisse fait pression pour avoir moins à payer pour aider les pays vulnérables. La publication de ces commentaires avant la COP a révélé les efforts de lobbying de nombreux pays et leurs véritables intentions. 

Les documents qui ont fuité de l’Office Fédéral de l’Environnement ont la même fonction : exposer le double jeu des dirigeants politiques lorsqu’il s’agit d’atteindre les objectifs climatiques.

Franziska Elmer, membre de la Scientist Rebellion et de la rébellion contre l’extinction en Suisse :

Alors que la crise climatique s’intensifie, la pression exercée par les lobbies sur les scientifiques pour qu’ils masquent la vérité semble également s’accroître. Cela conduit de plus en plus de scientifiques à prendre le risque de divulguer des documents afin de préserver la vérité et d’accroître la transparence. Ils risquent de perdre leur emploi mais prennent ce risque car nous sommes dans une situation d’urgence.”

Un appel à l’action

Extinction Rebellion appelle chacun et chacune à prendre ses responsabilités, et à faire obstacle à la destruction de notre climat et de nos écosystèmes de toutes les manières pacifiquement possibles. Pour chacun et chacune d’entre nous, cela signifie prendre des risques et sortir de notre zone de confort. Demandez-vous ce que vous pouvez faire dans votre position. Pour les scientifiques, cela peut signifier faire la lumière sur les rouages de l’interface science/politique en divulguant des documents.

Scientist Rebellion est prête à soutenir tous les scientifiques qui estiment nécessaire de fuiter un document relatif au climat ou à l’écocide pour les raisons mentionnées ci-dessus. Nous préserverons votre anonymat et nous nous chargerons du travail de presse pour vous. Écrivez à ScientistRebellion@protonmail.com

Sources